Comment la crise du capitalisme menace les retraites dans de nombreux pays

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Sandrine Prod’Homme, une Franco-Rwandaise de 32 ans, est partie travailler comme consultante il y a cinq ans à San Francisco. Comme la quasi-totalité des salariés aux Etats-Unis, elle cotise chaque mois pour sa retraite dans un fonds de pension privé. Elle a opté pour un plan “401-k”, qui lui permet de décider où placer son épargne. Comme la plupart des Américains, elle a investi en Bourse, ce qui est plus risqué mais potentiellement plus rémunérateur. Mais depuis le début du krach boursier, elle voit son capital retraite fondre chaque mois davantage : “Depuis cet été, ça n’arrête pas. En huit mois, mon 401-k a perdu 40 %, c’est une catastrophe.”

Ils sont 51 millions d’Américains dans son cas à avoir vu disparaître en quelques mois des années d’économies. L’ampleur de la crise est telle que tous les fonds de pensions américains ont été touchés.
Selon le Congressional Budget Office (CBO), les fonds auraient perdu au total 2 000 milliards de dollars en quinze mois (20 % de leur valeur). Les célèbres CalPERS et CalSTRS, dédiés au financement des retraites des fonctionnaires et professeurs de Californie, ont fondu de 26 % et 10 % depuis fin juin.

“Je ne suis pas la plus à plaindre. J’ai trente ans pour me refaire, poursuit Sandrine Prod’Homme. Mais ceux qui voulaient prendre leur retraite dans cinq ou dix ans et ont laissé leurs sous en Bourse sont au plus mal. La plupart doivent reculer le moment du départ à la retraite. Certains prévoient de s’arrêter à 80 ans !”

“LES FAILLES DE TOUT LE SYSTÈME”
Avec la crise, c’est tout le système de retraites par capitalisation qui vacille. Aux Etats-Unis, la Sécurité sociale permet de toucher une pension mais le montant octroyé, correspondant en moyenne à 40 % du salaire, est souvent insuffisant et tous les Américains n’y ont pas droit. La quasi-totalité d’entre eux cotisent donc dans des fonds de pension. Soit dans des plans à “bénéfices garantis”, où le salarié verse une cotisation à son entreprise qui s’engage à lui verser une retraite pour un montant fixé à l’avance (si l’entreprise ne peut le faire, le Pension Benefit Guaranty Corporation, un organisme d’Etat, prend le relais). Soit il décide de placer son capital à sa guise dans un fonds non garanti mais plus souple et souvent abondé par l’entreprise, comme les fameux “401-k”, et reçoit à sa retraite le capital qu’il aura fait fructifier.

“Aujourd’hui la tempête financière dévoile les failles de tout le système”, conclut l’économiste Thomas Philippon, professeur à l’université de New York. Les plans garantis “mettent en difficultés les entreprises. General Motors en souffre dramatiquement aujourd’hui”, indique-t-il, car ce sont les sociétés qui doivent financer ces retraites alors que la crise met à mal leurs revenus. Tandis que les plans non garantis pénalisent les salariés. “Plus globalement, l’idée très en vogue jusqu’ici de financer les retraites uniquement par capitalisation est remise en question”, estime M. Philippon.

De fait, les Etats-Unis ne sont pas seuls dans la tourmente. Tous les pays qui ont opté pour un système équivalent, censé résoudre le casse-tête du financement des retraites par répartition menacé par le vieillissement de la population, sont concernés. Au Chili, où le système a été privatisé dans les années 1980, les fonds de pension auraient perdu 20 % de leur valeur. En Argentine, face à la déconfiture des fonds privés, l’Etat a même décidé de nationaliser le système et d’utiliser les 26 milliards de dollars gérés jusqu’ici par les fonds pour créer un régime public.

“Dans ces deux pays, le sujet des retraites est ultra-problématique, mais en Argentine sans doute plus qu’au Chili, commente Pierre de Beaulaincourt, économiste chez Natixis, car on ignore encore si le gouvernement a décidé de nationaliser les retraites pour protéger les épargnants ou pour faire main basse sur leurs capitaux.” La crise a en effet aussi mis à mal les finances de l’Etat argentin et celui-ci a déjà annoncé qu’il rapatrierait du Brésil 544 millions de dollars des fonds de pension pour renforcer le marché des capitaux intérieur.

En Europe, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède ou la Finlande sont aussi touchés. Mais c’est en Pologne, en Hongrie et en République tchèque que les difficultés sont les plus sérieuses. Là-bas, les systèmes ont été privatisés plus récemment, pour désendetter les Etats et suivre les recommandations des grandes organisations internationales (Fonds monétaire international, Organisation de coopération et de développement économiques). Et contrairement à ceux des pays nordiques ou anglo-saxons, ces fonds n’ont pas accumulé assez de capitaux pour résister à une crise aiguë et longue.

“Lorsque la Bourse montait, on a porté trop d’attention aux systèmes par capitalisation, les systèmes de retraites ont été individualisés. Aujourd’hui, c’est chacun pour soi et les salariés risquent de se retrouver avec des retraites minables”, alerte Pierre Habbard, de la TUAC, la commission syndicale consultative de l’OCDE.
Consciente du problème, l’Organisation a lancé une consultation au sein des différents pays où existent des fonds de pension et publiera en décembre un bilan pour chiffrer l’ampleur des dégâts et “tirer les nombreuses leçons” de cette crise, assure un de ses représentants.

Claire Gatinois
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Lexique
Fonds de pension. Ils sont chargés d’investir les sommes cotisées par les épargnants pour leur retraite. Aux Etats-Unis, il en existe deux types. Il y a d’abord les fonds à prestations (ou bénéfices) définies : ceux-ci garantissent un revenu mensuel lors du départ à la retraite, quelle que soit l’évolution du marché. Il existe aussi des fonds non garantis, comme les “401-k” : ils sont abondés par l’employeur pour aider le salarié à se créer un capital mais c’est ce dernier qui supporte le risque lié à l’évolution des cours.

Note : Article paru dans LE MONDE, l’édition du 30.10.08, sous le titre suivant : “Le krach boursier menace les retraites dans de nombreux pays”.

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