En dépit de l’agitation politique autour de l’élection présidentielle, les développements en Syrie continuent de peser sur la scène interne libanaise. Les médias libanais accordent d’ailleurs une place importante à la couverture des événements en Syrie, dont la prochaine élection présidentielle prévue le 3 juin. Mais l’élément qui intéresse le plus actuellement les milieux diplomatiques, ce sont les relations de plus en plus claires entre une partie de l’opposition syrienne et Ies autorités israéliennes. Désormais, la presse israélienne en parle ouvertement.
Pourtant, ces contacts ont commencé depuis 2011, d’abord par le biais de rencontres gardées secrètes entre des personnalités syro-américaines comme Radouane Ziadé et des responsables israéliens comme Avigdor Liberman, aux États-Unis. Ils ont ensuite évolué au point de permettre l’apport d’une aide directe et indirecte des Israéliens à l’opposition syrienne, tantôt par des bombardements de cibles précises en territoire syrien et tantôt par le brouillage des communications de l’armée syrienne, ainsi que par l’apport d’une aide logistique et médicale à une partie de cette opposition. Mais jusqu’au coup d’éclat de la figure de cette coalition, Kamal Labouani, ces contacts et cette collaboration restaient cachés, sinon limités. Aujourd’hui, ils ont lieu publiquement et Labouani se prépare à visiter Israël officiellement et à proposer, selon la presse israélienne, aux responsables là-bas de s’engager à préserver la sécurité d’Israël tout en élargissant le champ de coopération entre les deux parties. Ces développements coïncident avec les combats qui se déroulent entre différentes factions de l’opposition syrienne, notamment celles qui sont d’obédience qatarie.
Au bout de trois ans de combats féroces en Syrie, il est clair que désormais un tabou est en train de tomber, celui de l’établissement de relations entre certaines factions de l’opposition et les autorités israéliennes. Au départ, il s’agissait de chuchotements limités, dans le genre : le véritable ennemi, c’est le régime syrien et face à sa férocité, toute aide est la bienvenue. Mais, petit à petit, ces chuchotements ont évolué vers une réelle ouverture en direction d’Israël, un peu selon le même scénario suivi par certaines parties chrétiennes au début de la guerre dite civile. Désormais, c’est ouvertement que certaines parties de l’opposition syrienne déclarent vouloir établir des relations stratégiques avec Israël et les déclarations de Kamal Labouani n’ont été que très faiblement et modérément critiquées par les autres factions de l’opposition.
L’histoire pourrait en rester là et les Libanais observer de loin ce développement important dans la crise syrienne, si, en réalité, le Liban n’était pas aussi concerné par cette évolution. En accueillant près d’un million et demi de réfugiés syriens, le Liban ouvre, par ce biais, ses portes à d’éventuels agents du Mossad infiltrés parmi les réfugiés. D’ailleurs, des rapports sécuritaires font état d’activités du Mossad dans les camps de réfugiés en Jordanie et en Turquie. Il se pourrait donc bien que ces activités aient aussi lieu dans les regroupements des réfugiés syriens au Liban, notamment ceux qui sont situés en milieu chiite, afin de s’infiltrer dans l’environnement du Hezbollah, considéré aujourd’hui par les autorités israéliennes comme l’ennemi numéro 1 car, selon la presse israélienne toujours, il est « la force terroriste la plus structurée ».
De plus, le Liban n’est pas seulement concerné à travers la présence des réfugiés syriens sur son territoire, il l’est aussi par le fait que la région de Kuneïtra ainsi que le Golan annexé par Israël sont limitrophes de la région de Chebaa et de ses fermes. Tout développement au Golan et dans la zone de Kuneïtra a donc des répercussions sur cette région libanaise. Les derniers incidents dans ce secteur montrent qu’il est assez difficile de la dissocier de ce qui se passe en Syrie et au Golan. D’autant que, selon des rapports des services de sécurité, des blindés de l’armée syrienne dans la région de Kuneïtra ont été touchés par des missiles antichars lancés à partir du Golan annexé.
Enfin, le dernier point qui touche directement le Liban consiste dans les tentatives israéliennes de détourner les eaux du Wazzani, en même temps que celles des sources du Golan. L’eau reste un enjeu majeur dans le conflit arabo-israélien et les Israéliens semblent déterminés à profiter du chaos qui règne actuellement en Syrie et de l’affaiblissement de l’opposition pour proposer leur aide et par la même occasion mettre la main sur les ressources hydrauliques nombreuses dans la zone du Golan et des fermes de Chebaa. C’est pourquoi, dans un tel contexte, le Hezbollah affiche une grande vigilance et multiplie les messages de fermeté à la fois en direction des Israéliens et des factions de l’opposition qui n’ont pas d’inconvénient à avoir des liens avec les Israéliens. Le Hezbollah veut à tout prix prouver aux Israéliens que s’ils croient pouvoir ouvrir des brèches via l’opposition syrienne et les réfugiés syriens présents au Liban, ils se trompent car ses forces sont en état d’alerte permanent. La décision du président de la Chambre Nabih Berry il y a trois jours de ne pas recevoir lui-même le commandant en chef de la Finul, laissant son conseiller en matière d’information Ali Hamdane s’entretenir avec le général Serra, est un signe du mécontentement du tandem chiite à l’égard de l’attitude de la Finul jugée assez laxiste au sujet des violations répétées de la souveraineté libanaise par Israël. Le Hezbollah et le mouvement Amal espèrent que ces messages diplomatiques et sur le terrain seront suffisants pour dissuader les Israéliens d’entreprendre la moindre action contre le Liban, soit directement, soit par le biais « de nouveaux agents ». Sinon, ils sont prêts à toutes les éventualités. Ce message sera d’ailleurs clairement délivré dimanche 25 mai par le secrétaire général du Hezbollah dans le discours qu’il prononcera à l’occasion du quatorzième anniversaire de la fête de la Libération…
Scarlett HADDAD
16/05/2014
www.lorientlejour.com/article/867497/le-message-du-hezbollah-a-lopposition-syrienne-a-israel-et-a-la-finul.html
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