Allemagne : Sahra la Rouge, l’icône anti-Merkel

La juventud andaluza contra el sionismo genocida y su violencia
LES REVOLUTIONS ARABES ET LE MAROC (deux textes a Amar et Goldman)
Code Chavez, CIA contre Vénézuela

Depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir à Athènes, Sahra Wagenknecht, députée et figure du parti radical de gauche allemand Die Linke, n’a cessé de pointer du doigt la responsabilité de la Chancelière dans la crise grecque.

Sahra Wagenknecht of the Left party (Die Linke) delivers her speech at the German parliament on the next EU summit at the German Bundestag in Berlin, on March 19, 2015. AFP PHOTO / STEFFI LOOS
Sahra Wagenknecht, députée et vice-présidente du parti radical allemand Die Linke, le 19 mars dernier au Bundestag, à Berlin. (Steffi Loos/AFP)

Sahra Wagenknecht fait partie de ces députés allemands qui ne mâchent pas leurs mots. Il y a trois ans, la vice-présidente du parti de Gauche, Die Linke, était encore un peu isolée lorsqu’elle a refusé d’adopter le second paquet d’aide à la Grèce. Ce matin, elle n’était plus seule. 119 députés ont voté contre le troisième plan d’aide à la Grèce alors que 439 députés l’ont approuvé.

Comme à son habitude, “Mutti” – le surnom de la Chancelière – a réussi à retourner l’opinion et à convaincra sa majorité et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble de suivre une voie de compromis : aider la Grèce à rester dans la zone euro tout en exigeant des réformes radicales.

Mais Sahra Wagenknecht, elle, reste convaincue :
Ce nouveau plan, qui n’est pas différent des précédents, ne fera que paupériser encore davantage la Grèce”.
Sens de la dialectique

Depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir à Athènes, la députée assise à la gauche de l’hémicycle allemand n’a cessé de pointer du doigt la responsabilité de la Chancelière dans la crise grecque. Son intervention au Bundestag le 19 mars avait fait le tour des réseaux sociaux et l’a érigée en France au rang d’icône de la gauche radicale. Ce jour-là, Sarah Wagenknecht, droite comme un “i” dans son ensemble carmin, a prononcé un discours d’une grande férocité. Le 5 juillet dernier, en toute logique, la députée était l’une des rares personnalité politiques de premier plan à se réjouir du “non” des Grecs au référendum.

Surprenant ? L’Allemagne, le pays du nouveau miracle économique, a aussi sa gauche radicale. Moins médiatique que Syriza ou Podemos, die Linke pèse autant dans le système parlementaire allemand que le parti des Verts (1). Signe de son influence, la quadragénaire à la tête bien faite est l’invitée de tous les talk-shows. Auteur d’une thèse sur l’interprétation de Hegel par le jeune Karl Marx, Sahra Wagenknecht a le sens de la dialectique.

Sous la férule de cette femme, qui doit prendre à la rentrée le fauteuil de co-présidente du groupe parlementaire, le parti de gauche pourrait très bien accéder un jour au pouvoir au sein d’une coalition gouvernementale “rouge-rouge-verte” (SPD-Die Linke-Verts). Mathématiquement, c’est possible. Idéologiquement, c’est plus difficile. Les relations entre le SPD et Die Linke rendent pour l’instant un tel rapprochement improbable…
Tandem explosif

Durant toutes ces années au Bundestag, où la Chancelière n’a écouté Sahra Wagenknecht que d’une oreille distraite, la dirigeante de Die Linke ne recueillait pas plus d’attention du côté du SPD, qui en veut toujours terriblement à Oskar Lafontaine d’avoir claqué la porte du gouvernement Schröder en 1999. Six ans plus tard, la création de Die Linke et son procès permanent des réformes libérales du chancelier social-démocrate ont coûté à Schröder sa réélection. Autant dire que les rancunes sont tenaces entre le SPD et Oskar Lafontaine.

L’ex-ministre se tenant désormais tranquille, retiré sur ses terres de la Sarre, les critiques se reportent volontiers sur son épouse… qui n’est autre que Sahra Wagenknecht. Car Oskar l’invincible a épousé Sahra la rebelle en décembre dernier. Un tandem aussi explosif que les Montebourg-Filippetti, avec l’homme en vraie-fausse retraite et la femme en première ligne. Sahra Wagenknecht s’insurge :
Ce n’est certainement pas une question de famille. Avant, les sociaux-démocrates prétendaient qu’une alliance était impossible à cause d’Oskar, maintenant ce serait à cause de moi…
Quand j’entends les discours de comptoir de bas niveau de Sigmar Gabriel [vice-chancelier et président du SPD, NDLR] et son agressivité à l’encontre de Syriza, je ne vois pas comment nous pourrions nous allier. Ou bien il faudrait que le SPD change radicalement de position et cesse de coller à Merkel. C’est aussi valable sur d’autres sujets comme le traité de libre-échange Europe-Etats-Unis dont Gabriel est un grand soutien, ou l’impôt sur les grandes fortunes, projet qui n’est plus d’actualité.”

Former co- chairman of German party's Die Linke (The Left Party) Oskar Lafontaine (R) and the party's deputy chairman Sahra Wagenknecht leave for a break during a party meeting in Goettingen on June 2, 2012. New leaders of the party will be elected during the party's annual congress. AFP PHOTO / JOHANNES EISELE
Avec son époux, Oskar Lafontaine, le 2 juin 2012.
(Johannes Eisele/AFP)
Un engagement politique précoce

Ce mardi 30 juin, quelques heures avant que n’expire le délai de remboursement de 1,5 milliard d’euros de la Grèce au FMI (Fonds monétaire international), la députée de 46 ans avait reçu “l’Obs” dans son bureau du Bundestag.

Née à Iéna, la cité des poètes et des philosophes (Goethe, Fichte, Hölderlin, Schiller…), la jeune femme germano-iranienne, qui n’a jamais connu son père reparti en Iran, a été élevée par une mère galeriste. Son engagement politique est précoce, il date de la réunification en 1990. Elle avait à peine 21 ans et ne supportait déjà pas le monde tel qu’il tournait.

Contrairement à Angela Merkel qui a pu faire des études supérieures, en raison des bonnes relations de son père pasteur avec le régime communiste, Sahra Wagenknecht était interdite d’université. Objectrice de conscience, elle avait refusé de s’alimenter lors de la formation “prémilitaire” obligatoire en ex-RDA. Rédhibitoire.

Grâce à la chute du Mur, elle a pu débuter des études de philosophie à Berlin avant de s’orienter vers l’économie. Cela ne l’a pas empêchée d’adhérer au PDS, le parti des anciens cadres de la Stasi (sécurité d’Etat). Et de devenir par la suite l’une des figures de la ligne la plus radicale et anticapitaliste de Die Linke. Comme beaucoup de citoyens est-allemands, elle rêvait d’un autre socialisme.
Les plans d’aide remis en cause

Grande admiratrice de Jean-Luc Mélenchon qu’elle ne connaît pas personnellement, mais dont elle boit les paroles à la télévision lors de ses séjours en France, Sahra Wagenknecht a soutenu le président vénézuélien Hugo Chavez. En Allemagne, où le SPD a abandonné toute référence marxiste pour se rallier à l’économie de marché lors du congrès de Bad Godesberg (1959), ses positions passent mal.

Si elle a voté “non” au second plan d’aide aux Grecs, ce n’est certainement pas pour les mêmes raisons que ces Allemands qui ne veulent plus payer pour la Grèce. Comme l’ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, elle dénonce toute la mécanique de sauvetage de l’Europe et du FMI. Elle insiste :
Le concept de plans d’aide à la Grèce est un énorme mensonge. Les crédits ne sont jamais parvenus au peuple grec. Cela a d’abord servi à sauver les banques allemandes et françaises. Ensuite, on a transféré les dettes, qui étaient déjà très élevées en 2010, aux contribuables européens.
Pousser la Grèce à faire plus d’austérité n’a pas de sens. Il faut effacer une partie de la dette car cela ne sert à rien de vouloir résorber des vieux crédits avec des nouveaux crédits. Cela ne fera qu’appauvrir le pays et ne relancera pas son économie.”

La députée, qui brigue le mandat de présidente du groupe parlementaire à la rentrée, n’a jamais mis un pied en Grèce. Mais elle dit avoir eu suffisamment de contacts avec ses camarades de Syriza pour avoir une idée de la situation.
Une Rosa Luxemburg du XXIe siècle ?

“C’est une femme intelligente, une intellectuelle à l’esprit indépendant qui ne sert pas les clichés”, estime Gabriele Zimmer, sa camarade de parti qui se bat dans le même sens, au Parlement européen où elle préside le groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique. Elle veut elle aussi donner une autre image des partis politiques allemands.

Sahra Wagenknecht serait-elle cette Rosa Luxemburg du XXIe siècle qu’évoquent parfois les médias allemands ? La députée, qui garde la tête sur les épaules, commente :
Flatteur mais un peu ridicule. J’ai un immense respect pour ses capacités intellectuelles et son esprit combatif. Mais Rosa Luxemburg a travaillé dans des conditions très difficiles. Elle est allée plusieurs fois en prison.”

La “pensée unique”, c’est au Bundestag et sur les plateaux télés que Sahra la rouge la combat. Dans un pays où Merkel ne cesse de répéter que sa politique est “alternativlos” (sans alternative), son engagement pour plus de justice et de solidarité fait figure d’exception. Comme en son temps, celui de son époux, Oskar Lafontaine. Vraiment pas une histoire de famille ?

Par Odile Benyahia-Kouider
Publié le 17-07-2015 à 19h16

Source :
tempsreel.nouvelobs.com/la-crise-grecque/20150717.OBS2779/allemagne-sahra-la-rouge-l-icone-anti-merkel.html

Odile Benyahia-Kouider, envoyée spéciale à Berlin

(1) Sur 631 sièges, 311 sont détenus par la CDU-CSU, 193 par le SPD, 64 par La Gauche (Die Linke) et 63 par les Verts.

Please follow and like us:

COMMENTS