Violemment critiqué, tour à tour, par le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, la Jamaa islamiya, le prédicateur salafiste Daï al-Islam al-Chahhal, et le conseiller de la famille Hariri, Radwan Sayyed, pour ses positions sur la crise syrienne, le patriarche maronite Béchara Raï a qualifié ses contempteurs d’«ignorants» car «ils n’ont pas lu la totalité de mes déclarations», se contentant d’en «sélectionner une partie.»
Le chef de l’Eglise maronite a reçu, hier, le soutien du président de la République, Michel Sleiman et du leader du Courant patriotique libre (CPL) Michel Aoun. Le chef de l’Etat a rendu hommage «aux efforts du Patriarche visant à préserver la présence chrétienne libre en Orient». M. Sleiman s’est exprimé devant une délégation d’évêques qui lui a rendu visite au Palais présidentiel. «Le Patriarche soutient la démocratie, loin de l’unilatéralisme et de l’extrémisme», a encore dit le président de la République.
Le général Aoun s’est, quant à lui, déclaré «peu surpris» par les attaques personnelles lancées contre le Patriarche, parce qu’il connaît ceux qui les ont proférées. Il a rappelé que lorsqu’il avait des points de vue divergents avec l’ancien Patriarche Nasrallah Sfeir, il n’a jamais utilisé ce genre de propos, se contentant de rester dans les limites du respect de la fonction patriarcale. «Nous avons connu Geagea au Nord et dans la montagne, a-t-il dit. Ce n’est pas lui qui va nous apprendre ce qu’il faut dire ou non. Ce n’est pas lui non plus qui fixe les critères de ce qui est honorable.» Le chef spirituel des maronites est la cible de violentes attaques de la part de milieux islamistes sunnites qui lui reprochent de soutenir le «régime tyrannique de Bachar al-Assad.» Le prélat se défend d’appuyer un quelconque régime et condamne la violence d’«où qu’elle vienne». Mais il exprime de fortes craintes sur le sort des chrétiens de Syrie et d’Orient, en cas d’arrivée au pouvoir de mouvements fondamentalistes musulmans.
Après les attaques du prédicateur al-Chahhal, c’était au tour de la Jamaa Islamiya, dont l’organe de presse, l’hebdomadaire Al-Aman, s’en est violemment pris à Mgr Raï. Radwan Sayyed, lui, s’est acharné contre les Patriarches chrétiens d’Orient dans une tribune publiée dans Ach Charq Al-Awsat, le 9 mars (Voir Médiarama du 13 mars).
M. Samir Geagea avait tenu des propos d’une rare violence contre le Patriarche Raï, affirmant que les déclarations du prélat ne «l’honoraient pas.» Selon lui, le Vatican ne soutient pas les prises de positions du chef de l’Eglise maronite. Cependant, des sources bien informées assurent que le siège patriarcal de Bkerké jouit de la couverture totale du pape Benoit XVI. Ce soutien devrait s’exprimé prochainement d’une manière publique, selon un article publié dans As Safir ce mercredi, par Gracia Bitar, journaliste libanaise (Voir par ailleurs).
“Les critiques dont est la cible le Patriarche Raï ne peuvent être séparées de la campagne qui l’a visé au lendemain de sa fameuse visite à Paris, en septembre 2011. Telle est l’analyse de certains milieux qui font état de «parties indisposées par toute la structure Raï depuis son élection». Ces mêmes milieux énumèrent les «éléments» de la gêne ressentis par ces parties à l’égard du «nouveau maitre de Bkerké»: Mgr Raï n’est pas une copie conforme de son prédécesseur Nasrallah Sfeir; certains ne veulent qu’il poursuivre l’institutionnalisation du patriarcat maronite; certains n’avaient aucun rôle dans son élection au poste de patriarche, voire n’avait aucune intention de soutenir sa candidature. Et ils ne ratent pas une occasion de l’exprimer; les tournées du patriarche dans les régions du Sud et du Nord, son ton élevé et ses positions claires, ainsi que le fait qu’il exprime les appréhensions des chrétiens dans tous ses déplacements à l’étranger, gênent certaines parties; l’attitude du Vatican, qui adopte entièrement les positions de Mgr Raï, ne plait pas; le climat ambiant dans la rue chrétienne est largement favorable aux positions du Patriarche.
L’élément le plus important reste que ce que ces parties considèrent comme un printemps arabe est perçu par Mgr Raï comme un «automne ou un hiver». Le patriarche a de tout temps rejeté les fondamentalismes chrétiens et musulmans. Ses positions sont motivées par son impression qu’un danger plane sur les chrétiens d’Orient. Des milieux ecclésiastiques affirment que ceux qui pensent que Mgr Raï est un «one man show», ou un «soliste dans l’orchestre de l’Eglise», se trompent sur toute la ligne. «Il parle au nom pas seulement du Vatican mais au nom du synode qui s’est tenu au Saint-Siège il y a un an, et il s’agissait d’un synode historique, consacré à la situation des chrétiens d’Orient.» Et comme Mgr Raï effraie «certains» au Liban et ailleurs, ce synode a effrayé des puissances régionales, notamment Israël.
Geagea accuse Raï de soutenir le régime syrien, à un moment où les réfugiés sont arrivés au alentour de Bkerké.
La campagne contre le Patriarche ne va pas cesser. Mais le fort soutien du Vatican est en chemin”.
Medirama, 14 Mars 2012
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