Rif et les Rifains (Le Maroc en crise)

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Durant les récents événements de Taza, les forces de l’ordre s’en sont données à cœur joie pour enfoncer les portes des maisons particulières, détruire les biens d’autrui, brutaliser des citoyens, jeunes, femmes, enfants et vieillards inclus, et de temps à autre dévaliser ceux qui ont eu la malchance de se retrouver sur leur chemin.
Au lieu de renvoyer dos à dos émeutiers et membres des forces de l’ordre indélicats, le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, son ministre de la justice et des libertés, Mustapha Ramid, et le ministre de l’intérieur Mohand Laenser, ont choisi de s’en prendre uniquement aux émeutiers. Pas un mot n’a été prononcé pour réconforter les honnêtes gens maltraités par la police.
Le discours de ces responsables se voulait légaliste. Stigmatiser le désordre, défendre la nécessité pour la force publique de maintenir la paix, assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens et faire respecter la loi.
Un discours « responsable », mais qui n’est pas allé au bout de sa logique. Car, les forces de l’ordre aussi ont attenté contre les biens des personnes, fait un usage excessif de la force et violé la loi.
Si Benkirane et ses ministres avaient appelé les policiers à la retenue, les lamentables scènes qu’on a vues cette semaine dans le Rif auraient peut-être pu être évitées.
Ces derniers jours, plusieurs localités rifaines ont été victimes des hordes en uniforme qui ont saccagé tout sur leur passage, agressant et injuriant les habitants, torturant des personnes arrêtées, cambriolant des commerces et faisant montre d’un racisme dément envers leurs propres compatriotes.
Il ne s’agit pas de propagande. Il n’y a pas de complot, islamiste, algérien ou polisarien. Nous sommes devant des faits têtus. Il y a des preuves. Il y a des témoins, des témoignages, sonores et vidéos, qui montrent l’ampleur de la répression et prouvent que les forces expédiées par Rabat se sont comportées comme si elles étaient en pays conquis.
Et quel pays ! En dépit de quelques « gestes » envers le Rif, longtemps marginalisé par l’autre tyran en babouches, rien n’a véritablement changé, ni dans le fond ni dans la forme. L’économie n’a pas décollé, les habitants se sentent toujours étrangers dans leur propre pays et les agents d’autorité envoyés sur place se comportent souvent comme s’ils étaient en face d’indigènes dangereux.
Nous savons tous, pourquoi le cacher ?, que le palais, en dépit de la petite visite royale annuelle, n’aime pas trop ces Rifains qu’il trouve rugueux et pas trop serviles. Et vice versa. Les Rifains non plus n’aiment pas trop cette monarchie, son cérémonial de soumission rétrograde et humiliant, et, quand l’occasion se présente, ils se rappellent que le « bon » sultan Mohamed V (le monsieur que nos aînés disent avoir aperçu sur la lune) et son fils Hassan II ont commis à la fin des années cinquante des crimes contre l’humanité quand ils ont bombardé au Napalm des villes et des villages pour venir à bout d’une rébellion.
Dans tous les mariages de convenance, dont on sait qu’ils finissent toujours par sombrer, les conjoints concluent sagement une sorte d’armistice qui leur permet de rester dans la maison commune. Vivre ensemble, mais sans s’aimer, et souvent sans se préoccuper l’un pour l’autre.
Restons-en là ! Que la raison l’emporte sur la violence. Que Rabat rappelle ses chiens et respecte les sentiments et les particularités des Rifains.
Il n’y a rien de bon à ce qui pourrait sortir de cette marmite si les chiens continuent d’aboyer et de mordre.
Ali Lmrabet
18 mars 2012
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