Auteur notamment de « Quand la Syrie s’éveillera… » (Perrin), Richard Labévière est un spécialiste du Proche-Orient et du Moyen-Orient qu’il parcourt depuis longtemps.
Comment expliquez-vous l’impuissance de l’ONU dans la crise syrienne?
RICHARD LABÉVIÈRE. Que Kofi Annan ait jeté l’éponge (jeudi dernier), c’est une catastrophe! Cela veut dire que l’option diplomatique est morte. Depuis que le plan d’Annan n’est plus sur la table, on s’inscrit désormais dans une logique de guerre. Cet homme remarquable avait parfaitement pris la mesure de cette crise en considérant que la médiation russe était essentielle, mais qu’il fallait également y associer l’Iran qui est à la fois une partie du problème et de la solution.
Quelles sont les raisons de ce blocage?
Il y a d’abord l’intransigeance du régime syrien qui a géré cette crise de manière militaire depuis le début et a refusé d’ouvrir un débat avec son opposition intérieure. L’opposition syrienne est, elle, écartelée entre un Conseil national syrien, qui est le paravent des Frères musulmans financés par le Qatar, et les comités de coordination sur le terrain. Elle est incapable de susciter une plate-forme commune d’alternative crédible et de dialogue avec le régime. Les démocraties occidentales — à commencer par les Etats-Unis et la France — n’ont pas du tout aidé Kofi Annan, mais ont privilégié dès le départ l’option militaire sans l’avouer ouvertement, mais en laissant faire le Qatar et l’Arabie saoudite.
Que peut faire la France qui préside en août le Conseil de sécurité?
La France ne pourra pas faire bouger les lignes et les veto russe et chinois qui sont structurels et non pas de simple conjoncture. Avec le « service action » de la DGSE, la France mène en revanche des opérations de formation et de soutien à l’Armée syrienne libre et à d’autres groupes armés. Sur le plan des transmissions et de l’artillerie : mortiers, missiles antichars et canons de 105 mm. Plusieurs dizaines de conseillers militaires participent déjà à un état-major commun turc, américain et français à Charnagh (Turquie), qui bénéficie d’une aide britannique à la frontière syrienne.
Les rebelles syriens sont-ils infiltrés par les islamistes?
Il y a un vrai danger islamiste. Plusieurs milliers d’activistes ont passé la frontière en provenance d’Irak, du Liban, de Turquie et de Jordanie. On ne peut plus ignorer que, sur les 10000 à 15000 hommes en armes de l’opposition syrienne engagés contre l’armée gouvernementale, de 2000 à 3000 relèvent directement de groupes jihadistes revendiquant l’idéologie d’Al-Qaïda. C’est un réel problème pour l’après-Assad. L’après, ce seront les Frères musulmans dans le meilleur des cas. Ou les salafistes dans le pire des cas, avec ce slogan que j’ai personnellement entendu à la sortie des mosquées de la ceinture sunnite de Damas au printemps dernier : « Les alaouites dans la tombe, les chrétiens à Beyrouth! »
Propos recueillis par B.F. | Publié le 06.08.2012
Le Parisien
http://www.leparisien.fr/crise-egypte/l-option-diplomatique-est-morte-06-08-2012-2115283.php
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